Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Biais   d'humeurs    ...

19 mars 2011

Déménagement

Biais d'Humeurs est en plein déménagement... vous pouvez me suivre Ici !

Publicité
7 mars 2011

Lectures de Maxime Chattam

Mon premier contact avec cet auteur, par la découverte du premier volume de sa trilogie récente Autre-Monde, n'avait pas été des plus concluants. Déçue par les clichés convenus et l'absence réelle d'originalité de l'histoire, je n'ai pas entrepris depuis de lire les 2 tomes suivants, qui ont cependant connu un certain succès de librairie. Plusieurs ouvrages de l'auteur traînaient cependant à ma portée, et poussée par la curiosité - après tout, c'est un auteur qui réussit à faire parler de lui - j'ai lu dans la même foulée quatre de ses romans antérieurs : La promesse des ténèbres, et la trilogie fameuse : L'âme du mal, In tenebris, et  Maléfices.

La promesse des ténèbres nous entraîne dans le sillage d'un journaliste indépendant, marié à une femme-flic bien américaine (métisse, musclée et j'en passe), qui se retrouve brutalement confronté, par une sorte de curiosité malsaine, au suicide la_promesse_des_tenebresinexpliqué d'une prostituée dont il a consulté sur internet le site sur les conseils d'un ami. Intrigué, sans qu'il puisse vraiment en identifier la cause, par une video brutale qui la met en scène, il la rencontre et suite à sa mort plonge peu à peu dans les "ténèbres", oscillant entre répulsion et fascination, et menant le lecteur à sa suite toujours plus loin dans les obscures circonvolutions de la folie humaine. Présenté ainsi, le récit donne presque envie d'être lu, pour peu que l'on se délecte de
situations horrifiques et de scènes sanglantes. De fait, l'ensemble fonctionne efficacement jusqu'au dénouement final, et l'intrigue bien bâtie parvient à attraper et fixer durablement l'oeil du lecteur au fil des chapitres successifs. Cependant, le fond de l'histoire est si malsain, et les situations si dérangeantes, si écoeurantes, que c'est avec le coeur au bord des lèvres et un sentiment nauséeux permanent que l'on suit le déroulement de l'histoire, sans trop savoir si l'auteur lui-même dénonce, condamne, ou se complaît dans les faits qu'il décrit. Oui l'ensemble est correctement écrit, et le titre tient toutes ses promesses - mais l'on n'en ressort ni grandi, ni époustouflé ; ne demeure en somme que ce sentiment de puissant malaise dont il est difficile de bien saisir l'origine.

L'âme du mal nous plonge dans l'univers de Joshua Brolin, profiler réputé dont le talentamedumal1 particulier tient à - nous dit-on à maintes reprises - cette faculté qu'il possède de se couler dans l'esprit du tueur qu'il poursuit, à épouser les méandres de sa folie intime, à devenir, pour ainsi dire, le tueur lui-même. Et en matière de serial killer complètement frappé, nous voilà bien servis : s'attaquant aux femmes (original, tiens) dont il brûle le front, les mutilant, le tueur dont il est question manifeste un goût certain de la mise en scène ; et c'est à travers le regard de l'une de ses victimes, Juliette, que nous suivons intimement le calvaire ainsi mis en scène. Mais étrangement, le tueur est bien vite abattu, et c'est la survenue de crimes identiques portant sa trace indéniable, plusieurs mois après sa mort pourtant indubitable, qui enclenche le suspense et relance habilement l'intérêt du lecteur. Ce volume m'a davantage séduite que le précédent, et je dois reconnaître ici un certain talent pour l'entrelacement relativement réussi des fils de l'intrigue - bien qu'un peu tarabiscotée (qu'on me pardonne cette familiarité abusive), elle se laisse lire jusqu'à son terme, et parviendrait même à nous arracher un semblant de compassion pour le pauvre Joshua, décidément né sous une mauvaise étoile. Mon seul regret - et les volumes suivants de la trilogie le confirmeront - c'est cette inexploitation manifeste de la qualité tant vantée du profiler ; à peine ébauchée, cette capacité à se fondre dans l'esprit du tueur aurait pu donner lieu, à mon avis, à des rebondissements plus savoureux et plus élaborés.

maxime_chattam_in_tenebris_L_1In tenebris nous permet de retrouver les deux univers précédents, en faisant se rencontrer fortuitement (ou presque) la femme-flic de La promesse des Ténèbres, Annabel, et Joshua le malheureux, bien atteint par son aventure précédente. Deux éplorés se trouvent...heureusement, l'intérêt se déplace, et l'on plonge encore plus manifestement dans les ténèbres qu'avec la promesse précédente. On était prévenu, on va en avoir pour notre argent : les horreurs se multiplient, et il faut avoir le coeur décidément bien accroché pour suivre dans cette descente toujours plus profonde vers les enfers nos deux héros dans leur enquête monstrueuse... Très bien construite là encore, l'intrigue fait chavirer l'estomac à plusieurs reprises, et battre le pouls de manière compulsive. Le dénouement est à la hauteur, tout se tient.

Maléfices poursuit le duo-gagnant inauguré par le volume précédent : Annabel et Joshua sont à nouveau4121NZVX0JL confrontés à une vague de crimes, pour le moins surprenants : des attaques d'araignée géante... si l'on peut rester quelque peu dubitatif au départ de cette intrigue, qui n'est pas - comme pour les autres volumes d'ailleurs - sans rappeler ici ou là celle du Silence des agneaux, reste que ce troisième opus est moins sordide, et plus abouti dans l'écriture, que les précédents. Et sans doute, en orientant davantage le récit sur les caractères de ses personnages, en leur donnant de l'épaisseur, et ainsi en recherchant moins l'effet choc-à-tout-prix, l'auteur gagne-t-il comme en maturité; même le dénouement semble témoigner d'un plus grand recul. Aussi ce volume m'a-t-il semblé, après une incursion éprouvante dans l'univers étouffant de ces quatre récits, le plus abouti. Seul l'épilogue, annonce par l'auteur qu'il n'y aura pas de suite à l'histoire de Joshua Brolin, m'a laissée de marbre : à vrai dire, on s'en moque un peu.

Reste que je ne suis définitivement pas une fan de Maxime Chattam, et que l'impression malgré tout d'avoir peut-être perdu mon temps demeure ; en témoigne cette absence résolue du désir de relire, même dans plusieurs années - à moins que, tout simplement, mon goût prononcé pour le sordide ne se soit définitivement évaporé.

 

22 février 2011

Hunger Games : l'embrasement - Suzanne Collins

my_suzanne_collins_hunger_games_2_l_embrasementDeuxième opus de cette trilogie désormais incontournable dans la catégorie jeunesse, ce n'est pas sans appréhension que j'en abordai récemment la lecture ; le premier tome ne m'avais pas foncièrement déplu mais m'avait définitivement laissé une impression de facilité ou d'inachevé. Je n'avais pas réussi à être surprise, ni à être vraiment prise dans le jeu de la lecture bien qu'il ne m'ait fallu qu'une poignée d'heures pour l'achever ; cependant l'ouvrage méritait une seconde chance, et ce second volume tient davantage ses promesses.

ON retrouve les personnages déjà campés en quelques traits dans le tome précédent, et ceux-ci ne vont pas franchement évoluer, ni acquérir une épaisseur que ne peut leur conférer un ouvrage tout entier centré sur son intrigue et ses rebondissements incessants, mais on ne leur en demandera pas davantage, et c'est donc du côté du scénario que l'attention se focalisera bien davantage. Celui-ci est bien conçu, on ne quitte pas aisément cette intrigue bien ficelée et qui a le mérite de n'être pas toujours prévisible, et qui peu à peu prend une tournure moins confortable et moins aisée à se figurer. On se laisse mener, emporter par les événements, le tout avec ce plaisir que confèrent les histoires à suspense sans invraisemblances ni sorties de chapeau ahurissantes. Il paraît que dans sa langue originale, l'oeuvre acquiert davantage encore de puissance par sa qualité d'écriture - malheureusement la traduction ne me laisse pas en juger, sans nul doute affadie et écrasant de sa platitude les personnages et leurs voix.

Le troisième tome récemment paru ne saurait laisser indifférent la horde de fans qui déjà se pressent pour sa lecture... pour ma part je me contenterai d'attendre, mais je finirai par le lire, cela ne fait pas de doute.

A recommander aux plus irréductibles des non-lecteurs.

16 février 2011

Level26 : le retour

LEVEL_26_T2_BANDEAU_OmK_1288259360Les semaines ont passé, les chroniques se sont temporairement arrêtées, mais j'ai pu reprendre récemment mon rythme habituel de lecture. Parmi ceux qui patientaient tranquillement, ce volume que j'avais presque oublié - et pour cause : j'avais cordialement détesté le premier opus, évoqué sur ce même espace, mais, allez savoir pourquoi, j'étais néanmoins curieuse ; aussi ai-je accepté l'aimable proposition des éditions Michel Lafon de lire le second volume et d'en faire ici même un rapide compte-rendu. Je les en remercie et m'excuse du retard involontaire pris pour m'acquitter de cet engagement...

Je dois avouer que j'ai passé un moment tout à fait correct de lecture-sans-réfléchir-à-rien, sans réel enthousiasme (les miracles ne se produisent pas comme cela) mais sans réel ennui non plus. On retrouve notre héros tristounet et à la limite de la parano aiguë, mais on le comprend, après les atroces atrocités qu'il a dû subir dans le tome précédent, et le voici cette fois confronté à un nouveau tueur qui accomplit ses crimes en fonction de cartes de tarot. Bon, why not. Et puis tout se déroule linéairement jusqu'à la fin, où ça y est on découvre qui est vraiment le tueur.

Je n'ai, à vrai dire, pas bien saisi où se situait exactement l'intérêt de ce second volume, sans réel lien avec le premier sauf par de rares allusions, mais c'est un scénario honnête et bien moins ridicule que le premier. Il séduira sans doute les lecteurs pour lesquels il est conçu. A la fin de chaque chapitre, on peut toujours aller visualiser une séquence à l'aide d'un mot de passe - je m'en suis toutefois dispensée car il n'est pas fort aisé de se connecter quand on lit dans son bain.

Je ne sais pas trop quoi dire d'autre - si quelqu'un trouve, qu'il me fasse signe.

31 décembre 2010

Le conflit : la femme et la mère, d'Elisabeth Badinter

9782081231443Ce livre a sans aucun doute fait du bruit à sa parution, clameur de la reprise d'une guerre ouverte entre partisans du maternage et partisans de la femme émancipée - pour résumer tout cela aussi brièvement et d'une façon aussi caricaturale que celle dont l'auteur expose sa pensée dans cet essai qui se veut profondément féministe

L'intention de l'essayiste est on ne peut plus louable, et je dois lui reconnaître le mérite de poser certaines questions, à défaut d'y apporter des réponses, et tout ouvrage se donnant pour ambition de réaffirmer la nécessité pour les femmes d'être libres et de se battre pour cette liberté doit à mon sens être applaudi. En ce sens, je ne condamnerai pas ce texte dans son ensemble, ni pour le principe fort bon dont il procède. Cependant, il me paraît évident qu'Elisabeth Badinter n'a sur certains points certainement pas approfondi son sujet, ne s'y est pas frottée pour ainsi dire concrètement, et la pensée s'enlise hélas dans une sorte de magma confusionnel, où tout est mêlé, mélangé, faute d'avoir sans doute effectivement interrogé certaines des femmes dont il est question.

Il est en effet indéniable que l'inégalité entre les hommes et les femmes persiste, à bien des égards, et que les femmes sont les grandes perdantes souvent après leur choix de la maternité - ce sont elles qui prennent les temps partiels, qui s'occupent des enfants au quotidien, qui assument majoritairement les tâches ménagères. Très juste aussi ce passage fort pertinent sur le non-désir d'enfant, sur le choix réfléchi de ne pas en avoir, et l'incompréhension crasse que ces femmes doivent subir, questionnées qu'elles sont en permanence sur leur choix, soupçonnées de n'être pas tout à fait normales, d'être égoïstes ou carriéristes... Elisabeth Badinter touche juste en bien des endroits et remet la question de la maternité dans une place qu'elle avait sans doute un peu perdue depuis plusieurs années.

Elle voit également un grand recul par rapport aux avancées féministes des années 60-70, dans le retour actuel des femmes à la maison, qui dit-elle, subissent l'influence idéologique d'une société qui les pousse à penser qu'elles doivent tout d'abord à leur enfant avant qu'à elles-mêmes. Les hommes, ajoute-t-elle, ne risquent pas de les en dissuader car finalement cela les conforte dans leur rôle traditionnel : travailler, ne pas s'occuper prioritairement de la maisonnée. Cela n'est pas faux, il est vrai qu'il est plus difficile pour une femme de retourner travailler après une naissance dans l'état actuel des choses - difficultés à trouver un mode de garde, salaire parfois dérisoire face au coût des gardes d'enfant (certaines perdent de l'argent en retournant travailler...), travail parfois peu épanouissant, l'éducation des enfants pendant quelques temps à la maison apparaît ainsi comme un choix par défaut. Mais c'est à partir de cette optique, me semble-t-il, que l'auteur commence à tout mélanger. D'abord, certaines femmes font réellement le choix de s'occuper de leurs enfants, et pas simplement par défaut : le choix positif est tout simplement évacué de cet essai. Ensuite, parlant du recul en matière d'émancipation de la femme, E. Badinter enchaîne pêle-mêle les questions des couches lavables, de l'accouchement (accoucher à domicile est ainsi présenté comme un archaïsme idéologiquement motivé par un retour à la nature), de l'allaitement (un procès de la Leche League est mené tambour battant pendant plusieurs pages), du maternage proximal (cododo, portage, peau à peau...), du congé parental ; et un final incongru faisant l'éloge à peine masqué de ces femmes du XVIIIème siècle qui n'allaitaient ni n'élevaient leurs enfants, mais faisaient la grasse matinée et avaient des préoccupations exclusivement intellectuelles, termine étrangement ce grand chapitre consacré à l'asservissement contemporain des femmes.

Or il me semble que l'auteur n'a strictement rien compris aux motivations qui peuvent pousser les femmes à accoucher chez elles. Non, il n'est pas question pour celles-là même qui le font de retourner à un état originel et naturel prétendu meilleur, et non, il n'y a pas toujours d'idéologie qui sous-tend cette décision (je ne nie pas que ce puisse être le cas cependant - encore faudrait-il des bases d'études solides...) Mais a-t-elle été interroger ces femmes, d'ailleurs, s'y est-elle réellement intéressée ? Non, il lui suffit que cette pratique perdure, et de constater que davantage de femmes encore y ont recours dans d'autres pays, pour en tirer des conclusions radicales. Je le dis, et je le répète : l'accouchement à domicile n'a rien à voir avec la nature, n'a rien à voir avec l'écologie, n'a rien même à voir avec le maternage. Il s'agit d'une question de respect des femmes, justement, et si E. Badinter s'y était réellement intéressée, elle aurait compris qu'au contraire, cette démarche est féministe. Parce qu'il y est question de liberté, de respect de l'intégrité, du corps, du psychisme, des désirs...

Quant à l'allaitement, là encore il semble que le but soit exclusivement de régler son compte à la Leche League - dont il convient effectivement de discuter - et de fustiger dans cette pratique l'asservissement de la femme à la nature et à l'enfant. Et E. Badinter de se féliciter, face aux chiffres les plus bas d'Europe, que les Françaises résistent si bien à l'idéologie... d'ailleurs, la preuve, dit-elle, que les femmes n'aiment pas cela : elles arrêtent aussitôt qu'elles retravaillent, soit en moyenne au bout de quelques semaines. Là encore, a-t-elle parlé avec ces femmes ? Sait-elle combien pleurent de devoir arrêter d'allaiter, de sevrer contre leur gré, de voir hurler leur bébé refusant le biberon alors qu'elles n'ont pas le choix ? Bien sûr que le choix doit rester entièrement libre, et qu'il ne faut pas forcer à allaiter... mais celles qui le veulent vraiment, le peuvent-elles vraiment, sans justement devoir prendre un congé parental, sans devoir recourir au tire-lait (présenté comme une infamie de plus) ? Parlant justement d'idéologie, il est curieux de voir comment dans ce passage sur l'allaitement revient encore et toujours cette référence aux pays en voie de développement... L'allaitement, c'est bon pour eux, mais pour nous, pays civilisé - pardon, développé, nous avons cette chance d'avoir le biberon et un lait" toujours plus proche du lait maternel", alors à quoi bon s'asservir et s'animaliser...

On l'aura compris, cet ouvrage développe à mon sens une réflexion intéressante, mais malheureusement associée aux pires clichés et amalgames en tous genres. Il est vrai que, parcourant l'ensemble et à trop vouloir en dire, on peut avoir l'impression que le statut de la femme est bien menacé, que la maternité fait l'objet de pressions diverses, et que les femmes peuvent être influencées durablement. On a tendance souvent à penser que la maternité est un bloc, en parcourant certaines forums de discussions consacrés à cette question : accouchement naturel, couches lavables, allaitement prolongé, congé parental, maternage proximal (et ses dérives, le nouvel enfant-roi...)... Dans les faits, les femmes qui le tentent se rendent bien vite compte de ce qui est essentiel, et de ce qui ne l'est pas, de ce qui leur correspond, et de ce qui n'est pas pour elles. Elles lisent, s'informent, font leur miel des diverses opinions...  et évoluent.

Il y a bien un conflit entre la femme et la mère, mais peut-être ne se situe-t-il pas toujours là où on l'attend. La difficulté maternelle doit être entendue, les femmes sont encore trop isolées et sans soutien véritable du choix de leur maternité et du bouleversement (Tremblements de mère...) qu'une naissance peut entraîner. L'isolement des femmes et des couples, voilà un des problèmes véritables...

On peut être mère et être femme, sans conflit - il est dommage que l'ouvrage évacue, aussi, cet aspect.

Publicité
30 décembre 2010

Quand souffle le vent du nord, de Daniel Glattauer

51604752_pVoici un titre qu'il n'est pas bon de se procurer, si l'on compte passer plusieurs jours à le lire... en effet ce roman, pourtant plutôt volumineux et d'aspect assez dense, se laisse dévorer comme une curieuse gourmandise, entièrement happé que l'on est par cette histoire singulière, dès la première page, dès les premières lignes, suffisamment bien conçues pour intriguer le lecteur et l'embarquer dans un univers à la fois curieusement familier et décidément nouveau.

Un quiproquo comme il peut tant s'en produire, un envoi de mails à une adresse erronée, voilà un point de départ presque anodin, et qui pourrait vite tourner court. Des échanges comme il s'en lit par centaines, par milliers, chaque seconde sur la vaste étendue des forums de discussions... Mais habilement, petit à petit, les expéditeurs/destinataires s'étoffent, prennent de la place, et se construisent véritablement par leurs propres mots. Car ceux-ci ont cela de singulier qu'ils s'expriment dans une langue élaborée, loin de la relâche convenue des dialogues par écran interposé, et qu'ils y tiennent : ainsi se dessinent leurs personnalités, leurs caractères, et la traduction a sans doute cela de remarquable qu'elle réussit à conserver la tonalité propre à chacun, pour ainsi dire l'esprit, et n'évacue nullement l'humour, le sel de ces échanges de plus en plus épicés.

De ce dialogue très impersonnel à son origine - il s'agit d'ailleurs, comble de l'ironie, de mettre un terme à une relation (certes commerciale) - naît une véritable complicité, dont les protagonistes mesurent progressivement toute l'ambiguïté... peut-on tomber amoureux d'une voix virtuelle, celle-là même que nous nous inventons lorsque nous lisons les mots d'un inconnu ? peut-on tomber amoureux des mots ? La question est lancée, et tient le lecteur odieusement en haleine pendant les dizaines de pages qu'il ne peut s'empêcher frénétiquement de parcourir, parce qu'il faut qu'il sache, qu'il connaisse l'issue du destin de Léo et Emmi. Histoire sentimentale ? roman à l'eau de rose ? même pas, et c'est bien là toute l'habileté du romancier, qui réussit à questionner les rapports humains, la dichotomie entre réel et virtuel, la part du fantasme et de l'imaginaire, dans la projection d'une relation rêvée - et la crainte toujours sourde, sournoise, d'être déçu, et de devoir y faire face, sans jamais tomber dans le convenu, l'attendu, la romance fade qui fait soupirer d'ennui.

Parvenu au terme de l'ouvrage, l'on ne peut que saluer la maîtrise de l'auteur, qui parvient à achever sans erreur un récit à la lignée dangereuse et dont le fil frise sans cesse avec le danger du faux pas, qui tirerait brutalement le lecteur de sa rêverie et le ferait subitement replonger dans sa réalité d'être-en-train-de-lire. Je me souviens d'un personnage de S. King, qui en écrivant plongeait dans le trou de sa page, ce vide aspirant qui le faisait basculer dans un autre monde - et à cela il savait que c'était bon. Avec ce roman d'une facture inédite, le trou demeure grand ouvert, et l'on y saute à pieds joints : gage que oui, c'est vraiment bon.

 

 

Merci à Leiloona pour ce livre voyageur !

29 décembre 2010

Je mourrai pas gibier, de Guillaume Guéraud

9782841567171Le nom de Guillaume Guéraud fonctionne pour moi comme un gage de qualité depuis que j'ai lu Le contour de toutes les peurs, petit opus dont la puissance m'avait profondément remuée - et auquel le billet jadis rédigé ne rend pas véritablement hommage. Aussi apercevant Je mourrai pas gibier présenté en "coup de coeur jeunesse" à la médiathèque de ma ville, n'ai-je pas hésité une seule seconde pour m'emparer de l'ouvrage avant que d'autres n'aient le bon goût de le faire.

Plus léger encore que l'opus précédent, plus mince et écrit en gros caractères, l'ouvrage n'en est pas moins là encore un concentré de puissance explosive, un récit implacable et sans fioritures, démontrant sans donner aucune leçon comment la folie meurtrière peut s'emparer d'un adolescent et le pousser à la destruction... Non linéaire, la narration navigue astucieusement entre aboutissement et origines, et permet comme dans un lent compte à rebours de comprendre l'incompréhensible. D'une vision manichéenne et convenue, attendue par sa conformité avec nos a priori de lecteurs de faits divers, l'on passe progressivement dans les coulisses, on bascule de l'autre côté du miroir, et tout à coup, on comprend... on n'excusera pas ce qui est inexcusable et profondément condamnable, mais les véritables monstres et la vraie violence sont peu à peu mis au jour. Pas ceux qui sont dans les journaux, mais ceux qui vivent là, à côté de nous, en toute impunité. Mais il ne faut pas croire que l'ensemble soit convenu et foisonne de clichés, comme pourrait le laisser croire tout résumé un peu hardi ; l'écriture est si dense et si simple à la fois, qu'elle touche à chaque fois juste et percute le lecteur comme autant de mitraille. 

Destiné aux adolescents dans cette collection "DoAdonoir" des éditions du Rouergue, l'ouvrage séduira sans doute le public de cet âge par la brièveté de son récit et l'intérêt de l'histoire racontée. Mais que les lecteurs adultes ne le négligent pas pour autant : cette lecture peut nécessiter ensuite d'être commentée avec les plus jeunes lecteurs, et nourrir une vraie réflexion. Un auteur à découvrir, et à suivre.

18 décembre 2010

Sous des cieux étrangers, de Lucius Shepard

sous_des_cieux_etrangers_shepard_1J'ai manqué à tous mes devoirs et ai dû, bien involontairement, délaisser pour quelques temps mon modeste espace et les lectures qui se sont depuis littéralement entassées sur le sol... Parmi elles, un ouvrage de Lucius Shepard reçu dans le cadre de l'opération menée par Babelio sur les littératures de l'imaginaire, Sous des cieux étrangers

J'avais été tentée par l'ouvrage, car je ne connais pas du tout cet auteur mais il me semblait néanmoins en avoir entendu déjà parler ; d'autre part je connais peu l'univers de la science-fiction (au sens strict du genre - pas son homologue semi-fantastique) : autant de motifs qui m'avaient décidé à me porter volontaire pour lire l'oeuvre et la chroniquer.

Hélas je dois dire que je n'ai pu pour le moment lire que la première nouvelle, de cet opus qui en comporte cinq, et que j'ai même eu bien du mal à aller au bout de cette tentative. Non que l'histoire soit dénuée d'intérêt, non que la traduction soit mauvaise, mais je n'ai pas réussi à accrocher - comme on dit -, et l'univers de cet auteur ne m'a pour l'instant pas conquise.

De reste j'estime malgré tout et en toute honnêteté que les conditions de la découverte de cet auteur ne sont pour moi pas actuellement réunies ; je le déplore, et pense néanmoins que je tenterai à nouveau de lire l'une des autres nouvelles prochainement.

Je remercie en tout cas Babelio pour cet envoi et cette découverte.

29 novembre 2010

Pause temporaire

Ce petit message pour informer mes chers lecteurs, et éditeurs partenaires, que je me vois contrainte de prendre quelques jours de pause encore, avant de reprendre le fil de mes publications. Je m'en excuse notamment auprès de ceux avec qui j'ai engagé des partenariats, que je n'arrive pas pour le moment à tenir. Mais je m'y emploie le plus rapidement possible !

See you soon !

8 novembre 2010

Travail soigné, de PIerre Lemaître

travail_soign_Étrange, déroutant, percutant, violent, sanglant, ignoble, à la limite du soutenable, les qualificatifs ne manquent pas ici et là sur la toile et ailleurs pour qualifier le dernier opus de Pierre Lemaître, Travail soigné, atterri il y a quelques semaines entre mes mains justement à cause de cette réputation, celle qui nous fait avec délices et le coeur battant saisir ce livre-là même dont on sait qu'on ne pourra peut-être pas soutenir la lecture jusqu'à son terme. Et pourtant on l'ouvre, pourtant on le parcourt avec avidité, à la recherche de cette horreur dont on nous a tant vanté les mérites jubilatoires, et l'on craindrait presque d'être déçu...

Que le lecteur ne s'inquiète pas, l'atrocité est là, bien là, et le polar démarre sous ces joyeux auspices prometteurs d'une atmosphère qui nous empoigne au creux du ventre et ne nous lâche plus. Habilement, il faut le reconnaître, le texte tisse sa toile et nous emprisonne petit à petit dans ses rêts ; l'intrigue ne s'essouffle pas tandis que le lecteur demeure le souffle court, et manque même de le perdre quand les cartes du jeu soudainement sont magistralement redistribuées. Tandis que l'esprit s'affole et dérape (quoi ? non ? ai-je été ainsi joué ?) le récit continue, mais c'est encore pire, bien pire que ce que nous avions à peine imaginé, et lorsqu'enfin l'on referme l'ouvrage, il faut bien avouer qu'on se sent dérouté.

Quoi de plus normal pour un polar ? mais c'est qu'en général, l'acmé du roman policier laisse le lecteur rassasié, quand bien même les pires atrocités ont pu être commises, tandis qu'ici il le laisse au bord de la nausée. L'habileté est manifeste, mais a-t-elle besoin de gravir les échelons successifs de la perversité et de l'ignominie pour assurer son pouvoir, son emprise sur le lecteur, même friand de situations insoutenables ? J'ai souvent pensé au cours de ma lecture au très fameux Seven, de David Fincher, conçu sur cette même idée d'un tueur qui va au bout de sa propre logique. Ce final n'avait pas laissé d'ailleurs de me décevoir parce que même s'il est dans la logique du film, dans la continuité attendue du scénario, l'on a envie de dire qu'il n'est pas besoin d'aller aussi loin pour provoquer réflexion, questionnement et mettre en scène le mal. Parce que ces hommes-là ne sont plus des des hommes, parce qu'ils perdent complètement toute trace possible d'humanité, parce qu'ils ne sont plus que des robots dépourvus d'une âme qui les ferait agir, le lecteur n'y croit plus. La folie, la psychopathologie, ce n'est pas cela, on le sent bien, et même Hannibal Lecter savait se rendre plus crédible.

Un roman qui tient donc ses engagements sur la durée, qui nous ravit dans tous les sens du terme, et qui souffle littéralement celui qui le tient en main. Jusqu'aux dernières pages, où ne demeure plus que l'envie, finalement, de le refermer, et de n'y plus revenir.

Publicité
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 > >>
Publicité
Derniers commentaires
Publicité